Portrait craché
Je suis devenu une caricature de l’être humain que je déteste depuis que je sais que je suis humain.
Un humain, un être doué de conscience, jamais satisfait. Heureux d’être heureux, mais jamais pleinement, toujours en doute, toujours en questionnement, toujours à se demander pourquoi ci pourquoi ça, éternel insatisfait.
Le genre de mec qui stagne, voir qui recule.
Ce soir en rentrant chez moi, je suis descendu du tram avant mon arrêt, je ne supportais plus les gens. Manque de bol il y avait plein d’autres gens dans la rue.
Je me suis quand même posé en terrasse sur la place. J’ai même enlevé mes écouteurs, finalement je ne suis pas si ingrat que ça. J’écoutais des vieux parler de leur ancien boulot, l’un d’entre expliquant qu’il bossait dans je ne sais plus quelle boîte depuis 1978.
Je n’aime pas les gens. Je voudrais les aimer, mais je ne peux pas. Et pourtant je les aime tellement. Certains sortent du lot et me prouvent qu’ils peuvent ne pas décevoir. D’autres persistent à s’enfoncer dans leur médiocrité, qui finit par devenir la mienne.
Quand mes angoisses me rattrapent, je deviens imbitable, et nauséabond. Ma propre odeur me révulse, mes pensées transpirent de connerie.
Il me faut un réflexe pour sortir de ce marécage, une lumière à laquelle m’accrocher. Un shoot d’adrénaline, un coup de pied au cul, une grosse tarte dans ma gueule de con.
Ce n’est pas tellement par fierté que ce réflexe me remet dans la bonne direction, c’est parce que je ne veux pas polluer ceux qui ont refusé la médiocrité. Vois-tu, j’avance sans laisser de traces, en tout cas le moins possible. Je ne veux pas déranger. Je suis de passage.
En fumant ma clope en terrasse, j’ai aperçu une scène qui m’a confirmé ce que je pense, mais qui m’a quand même mis les boules. Une meuf (c’eût pu être un mec, mais il s’avère que c’était une meuf, alors j’écris une meuf) passe dans la rue au volant de sa 206 diesel, et crache un truc bien épais par la fenêtre ouverte, à la vue de tout le monde. Ce moment a résumé à lui seul tout ce que je pense des gens. Deux solutions : leur mettre des grosses baffes dans leur gueule, ou passer mon chemin en leur souhaitant de se noyer dans leurs crachats.
Je vais donc arrêter de chialer sur ma personne, me mettre un coup de pied au cul, et tracer ma route. Faut juste pas me casser les couilles, promis je vous foutrai la paix.